Pour ne pas cuisiner à l’énergie nucléaire, vous cuisinez au gaz ? Dommage !
Depuis que les importations de gaz russe par gazoduc ont diminué -à la suite de la guerre en Ukraine -, le Gaz Naturel Liquéfié, en provenance des États-Unis (mais aussi du Qatar et même de Russie !) a pris des parts colossales du marché : la France est devenue la première importatrice de GNL en Europe et la plus grande importatrice mondiale de GNL américain. Or, environ 87 % du gaz produit aux États-Unis est du gaz de schiste extrait par fracturation hydraulique, selon une technique interdite en France depuis 2011 en raison de ses impacts environnementaux et sanitaires considérables…
A la Bastardière, nous assurons notre autonomie électrique grâce à des panneaux solaires. Mais leur puissance ne nous permet pas de cuisiner avec cette énergie auto-produite. Nous avons bien construit un petit cuiseur « rocket » à bois, mais son usage au quotidien reste assez contraignant. A défaut de pouvoir se passer totalement du gaz, nous avons donc opté pour une solution low tech fabriquée maison : la marmite dite « norvégienne » ! Elle nous permet de faire des économies de gaz appréciables d’au moins 50 % selon les recettes…
Le principe est simple : on porte à ébullition quelques minutes la marmite, ou la cocotte en fonte, sur le gaz (ou sur une plaque à induction si c’est ce que vous utilisez). Puis, on place ce récipient encore chaud dans une boite bien isolée, faite sur mesure. Cela va permettre de maintenir la chaleur sans déperdition et de poursuivre doucement la cuisson sans feu. Grâce à ce système on ne peut plus simple, les pertes de chaleur sont minimisées.
Nous avons cuit par exemple des haricots rouges ayant trempés une douzaine d’heures en à peine 10 minutes, puis dégusté trois heures plus tard un délicieux chili! Bilan énergétique : 70 % d’économie de gaz réalisée ! Vu l’augmentation du prix de cette énergie, c’est aussi une économie pécuniaire non négligeable.
Habituellement, la cuisson est un procédé particulièrement inefficient : nous cuisons à l’air libre et beaucoup de chaleur s’échappe. Quand on y pense, c’est aussi aberrant que de faire couler de l’eau dans une baignoire sans bouchon. La marmite norvégienne remédie à cela. On peut comparer son concept à celui d’une maison passive : un bâtiment bien isolé qui requiert peu d’énergie pour le chauffage.
Le dispositif s’adapte à presque tous les plats mijotés, avec ou sans viande, mais aussi à la cuisson du riz, des légumes, et même de gâteaux… Et il est tout spécialement intéressant pour les aliments à cuisson longue, comme les légumineuses qui enrichissent en protéines végétales les régimes végétariens.
La mère de Daniel se souvient avoir utilisé une même technique dans une lessiveuse remplie de laine ou de tissus. C’était pendant la guerre, dans les Alpes de Haute Provence. On passait l’hiver sans chauffage, habillés chaudement.… Quant à notre voisin breton, il a retrouvé dans son grenier une vieille boite en bois qui avait appartenu à sa grand-mère dont il ne savait que faire. A l’intérieur, on devine la silhouette évidée d’un grand faitout qui a disparu…
La marmite norvégienne n’est donc pas si norvégienne que cela !
Son principe remonterait à l’âge des récipients de cuisson en poterie. Ils étaient enfouis hors du feu sous une enveloppe végétale. Puis la pratique de la « caisse à foin » s’est développée dans de nombreuses campagnes au moyen-âge. En anglais, on parle de « hay box » (boîte à foin) ou de « fireless cooker » (cuiseur sans feu). Alors, pourquoi utilise-t-on en France le nom de « Marmite norvégienne » ? Une explication pourrait venir de l’Exposition universelle de 1867, selon Mireille Saimpaul, autrice du livre « Histoire de cuire sans feu ou presque ». Cette année là, à Paris, furent exposées des « cuisinières automatiques norvégiennes ». Elles firent sensation. Cent cinquante six ans plus tard, le cuiseur sans feu paraît de nouveau une solution d’avenir… boostée, à leur dépend, par les va-t’en guerre de la planète.
Sources :
« Du gaz russe au gaz de shiste américain », brief presse, février 2023, Les Amis de la Terre
« Histoire de cuire sans feu ou presque, La marmite norvégienne à travers les siècles » , Mireille Saimpaul, M-M 2015
« La cuisson écolo qui ringardise le Thermomix », Reporterre, 27 décembre 2022