La botte de paille n’est pas seulement une bonne isolation thermique, c’est une incroyable isolation sonore. Je le remarque en cette saison car l’hiver est doux et venteux. Le souffle du vent ne diffuse qu’un son discret dans notre chambre. Sous la botte de paille qui fait office d’isolation, les coups de vent se succèdent sans nous réveiller.
Un claquement étouffé et je surfe dans mes rêves, dans mes souvenirs.
Tempête n’est plus synonyme d’alerte, de froid, d’embruns, de cirés jaunes, de paquet de mer dans la gueule, de mains fripées, salées, de nausées, de quarts de surveillance angoissés. La tempête est douce, appelle un feu de bois dans le poêle, la lumière chaude de notre électricité solaire sur l’enduit ocre-terre d’un abri de pierres inbougeable.
Par le hublot de la grange, je vois du ciel. Le même que durant ce quart de nuit sans lune sur lequel j’avais écrit lors d’une transat.
La mer semblait une masse sombre et mouvante surmontée d’une étoffe pailletée salie de grosses tâches de nuages noirs. Plus noir que noir ? Ce décor secoué hypnotisait. La nuit en mer est magnétisante. Effrayante aussi. La nuit, une femme à barbe ?, comme le crie Brigitte Fontaine dans mon casque. J’aimais écouter de la musique quand j’étais à la barre de mon voilier. Surtout de nuit. Le vent et les notes se mélangeaient dans un même souffle qui projetait le bateau sur l’ombre des vagues. Mais je me méfiais des femmes à barbe couvertes de freluches orientales. Elles faisaient apparaitre et disparaitre des joailleries de pacotille, me faisaient prendre les planètes pour des feux de mâts et s’amusaient à filer des étoiles. La nuit en mer est inphotographiable. Ce n’est qu’une sensation errante.
A travers le hublot de la grange, j’observe les étoiles et le vol d’un couple de pigeons ramier.
Ils me rappellent les fous de Bassan qui suivaient souvent notre sillage. Ils disparaissaient quelques heures, puis revenaient. Ces oiseaux qui suivent les bateaux au large, volent jusqu’à la poupe, se posent sur l’eau, laissent le bateau les rattraper et recommencent ce manège lassant.
Les pigeons sont devenus nos fous, ils passent et repassent à leur tour. L’un a dans son bec un brin de paille. L’autre aime manger mes feuilles de choux. Les coqs chantent, fiers d’avoir résisté au renard qui a bouffé six poules. Ces survivants sont nos mouettes rieuses. La nuit se termine dans cette campagne inphotographiable. Ce n’est qu’une sensation vaporeuse. Une lueur orangée qui se dissipe à travers les arabesques de l’ombre dansante des chênes.
Je me dis qu’il faut toujours maintenir le cap, à la mer, comme à la campagne. Et se rassasier de ces instants émouvants qui ne s’impriment que dans nos têtes.
Je vous souhaite une année aussi belle que ces images, que ces moments, qui finalement se ressemblent.
Très beau texte frangine qui invite à la réverie
Très bonne année à vous deux et que vos projets puissent continuer à se réaliser…avec le vent et les marrées
Bises Bertrand
Un jour, un instant, sur la Terre. Et la lumière nous emporte.
Bonne année à vous 2 ! Bruno